25 janvier 2016

Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ?

Sean Rad, le patron de Tinder, a révélé qu’un algorithme de « désirabilité » était en oeuvre pour favoriser les rencontres entre ses membres, En soi, le principe ne surprend ni ne choque. À terme, on pourrait même aller plus loin : toutes les données que peuvent émettre des couples (géolocalisation, habitudes de consommation, voyages, cercles relationnels, travail..) pourraient alimenter des plateformes de machine learning, et fournir des modèles prédictifs : « Vous allez vous marier au mois de juillet 2017 », « Il vous reste 1 an de vie en commun »,, « Micheline n’est pas la femme de votre vie », « C’est Jean-Jacques ».. Quand on sait qu’un fournisseur de système de paiement bancaire a récemment découvert que des signaux faibles lui permettaient de prédire les divorces, on se dit que le chemin qui mènera à enfin fiabiliser l’amour n’est plus si loin.

Certains s’en réjouiront, et trouveront sympathiques d’être en interaction avec leur temps. Un sociologue comparait d’ailleurs notre extension numérique à un avatar, qui serait capable de nous connaître et de nous aider au gré de nos envies. Un ami très serviable, en somme. D’autres, moins optimistes, s’inquiètent d’une dangereuse normalisation des comportements et d’une possible surveillance généralisée, sans parler d’un scénario catastrophe où les objets, qui font déjà des transactions à notre place, seraient aussi capables de s’organiser à notre détriment.

Etonnemment, c’est au sein même des acteurs de l’informatique qu’un mouvement d’opposition semble naître. Plusieurs signes  en ce début d’année nous en donnent le sentiment :

  • 2015 a vu une part exponentielle de la population chercher à être autonome vis à vis des bandeaux publicitaires en ligne. Les « Ad Blockers » sont maintenant utilisés par plus de 200 millions de personnes dans le monde, représentant 22 milliards de dollars de pertes de revenus pour les annonceurs.
  • Brendan Eich, inventeur du Javascript et de Mozilla vient de lancer Brave, un navigateur capable de bloquer les publicités qu’il juge intrusives, mais pour les remplacer par d’autres contenus publicitaires donnant lieu à une rémunération partagée avec les utilisateurs.
  • Tim Cook a annoncé qu’Apple allait se retirer en juin du marché de la publicité en ligne, taclant au passage ses concurrents : « Nous pensons que le client doit pouvoir contrôler ses propres informations », et réitérant son souhait de ne pas communiquer des données de géolocalisation (le cryptage des Iphone 6 avait déjà passablement énervé le FBI).

Il y a, bien sûr, des visées commerciales derrière ces démarches, mais on peut à minima leur reconnaître le mérite d’élever le niveau de conscience et d’autonomie des utilisateurs. Les lois sur   la « République Numérique » actuellement en discussion à l’assemblée nationale portent, pour une large part, sur la protection des utilisateurs (portabilité des données, transparence des plateformes, processus de validation des avis consommateurs, « Privacy by Design », secret des correspondances numériques..). Il est probable qu’émergent de plus en plus de nouveaux business fondés sur l’éthique et le partage de valeur autour des données. Il est aussi probable que les stratégies de marques ne puissent plus uniquement se contenter d’agréger autour de plateformes monopolistiques, ou de commercialiser des données à l’insu des utilisateurs : qu’elles doivent, plus que jamais, faire valoir un positionnement fort qui aille au delà de la maîtrise du trafic on line. Que l’informatique reste ce qu’il a toujours été : un outil au service du plus grand nombre.

Récemment lu sur un forum, ce cri du coeur d’un codeur : « je ne veux pas devenir une pute à clic » résume avec poésie ce sursaut où il semble à nouveau possible de sauver l’amour.

Toute l’équipe d’Aquila vous souhaite une bonne année 2016 !

Stéphane George
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